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La position du ministère

Dernière mise à jour : 13 nov. 2021

Le 5 octobre, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, exposait "10 mesures pour un développement responsable et maitrisé de l'éolien".

Décryptage et réponse.



“Il n’y a pas d’alternative pour construire rapidement des capacités massives de production d’électricité décarbonée. Ceux qui vous disent le contraire font preuve de légèreté ou de malhonnêteté intellectuelle.” (B. Pompili)

Non Madame Pompili, loin de nous l'idée de nier l'évidence. Le changement climatique nous impose de trouver des solutions, chacun.e à notre niveau, pour répondre à la folle escalade des émissions de gaz à effet de serre. Oui bien sûr, nous en sommes conscients, nous ne pourrons pas nous passer du nucléaire dans les décennies à venir : nos choix passés rendent la chose impossible, à moyen terme tout au moins. Et oui bien sûr, comme vous le dites aussi, "les coûts de production de l’éolien ont baissé de 25% et s’établissent aujourd’hui autour de 60 €/MWh". Vous dites plus loin que cette énergie est "à bon marché". Mais à quel prix est-il acheté en réalité par notre réseau national, à coup de subventions financées par nos impôts ?


Vous dites aussi entendre les protestations venant des territoires. "Alors regardons la réalité en face : aujourd’hui, dans certains territoires, nos concitoyens ne veulent plus des éoliennes. Lorsqu’ils vivent au milieu de dizaines d’éoliennes de plus de 100 mètres de haut, ils peuvent éprouver un sentiment compréhensible de saturation. Je suis une élue de la Somme, un territoire qui concentre une forte densité d’éoliennes, et je comprends que la transformation rapide d’un certain nombre de paysages ait pu provoquer de l’incompréhension voire de la colère."

Vous continuez ainsi : "Et comme le rappelait récemment le Président de la République « là où les projets créent trop de tensions ; là où ils dénaturent le paysage, il faut savoir les adapter ou y renoncer ». Nous échangeons régulièrement avec le Premier ministre sur la manière de poursuivre le développement de l’éolien dans des conditions d’acceptabilité et de maîtrise suffisantes. Il a récemment saisi le Conseil économique social et environnemental, qui formulera des recommandations d’ici la fin de l’année."

Ne doutez pas que nous suivrons ces préconisations de très près !


Mais quels outils de régulation du marché et de contrôle de l'industrie mettez-vous en place, afin d'assainir ce secteur où les opportunistes, sautant ici sur les effets d'aubaines, semblent bien se moquer des conséquences locales de chantiers développés à coups de millions ?

L'histoire de nos erreurs et folies industrielles ne nous aurait-elle donc rien appris ?


Vous avez mis en place ou allez créer plusieurs outils pour y pallier :

• Vous avez adressé une "circulaire aux Préfets pour leur demander de prêter une attention particulière aux projets qui présenteraient de forts impacts paysagers ou qui viseraient à s’implanter dans des zones déjà fortement dotées en éoliennes." Il était temps... Mais qu'entendez-vous par "forts impacts paysagers" ?

• Mise en place, par les préfets avec les régions et collectivités, d'une "cartographie des zones propices au développement de l’éolien. (...) Sur la base de ces documents, il sera enfin possible de dire clairement où on peut et où on ne peut plus implanter un parc éolien." La cartographie de notre région Auvergne-Rhône-Alpes devrait être finalisée d'ici quelques semaines - nous serons là encore plus qu'attentifs, car comment ces cartographies seront-elles utilisées, par qui et pour quoi ? Deviendront-elles des outils pour faire pression sur les collectivités locales, sous prétexte que ces cartographies auront été mises en place après 'concertation' ?

• Sachant que les contentieux ne manqueront pas d'apparaître, vous annoncez la création, au sein du ministère, d'un « médiateur de l’éolien » qui pourra être saisi par les Préfets lorsqu’ils font face à des cas particulièrement difficiles que le droit peine à appréhender. Là encore, dans une approche toujours plus centralisée, décisions et médiations restent le pré carré de l'État.

• Alors bien sûr, "Rendre l’accueil d’un parc éolien plus désirable, cela passe d’abord par une meilleure association des élus locaux." Vous avez souhaité "renforcer les obligations d’information des maires. Dès le mois de février 2022, les porteurs de projet devront obligatoirement solliciter l’avis d’un maire avant de se lancer dans un projet, puis répondre de façon motivée aux observations qu’il pourra formuler." Et généraliser la "constitution d’un comité de projet autour du maire". Là encore, il était temps !

Mais au-delà de l'information, qui doit mieux circuler et atteindre les premiers concernés, à savoir les riverains, qui a le dernier mot ? Au bout du compte, lorsque les quelques recours encore possibles sont épuisés et que la préfecture autorise un projet malgré les protestations venant du territoire concerné, la décision revient à la justice, imposant aux riverains impactés et aux associations locales de faire appel à la machine judiciaire pour se faire entendre, et d'en trouver les moyens financiers nécessaires, face aux avocats des grands groupes.

Le dialogue est terriblement inégal.


Au-delà de vos 10 mesure(ttes) :

• Quelle place accordez-vous à l'éducation, alors qu'on sait que l'une des clés à moyen terme est notre capacité à changer nos modes de vie et de consommation d'énergie ? Aucune.

• Quelle place donnez-vous à des projets de transition et de mix énergétique qui pourraient émaner des territoires eux-même, moins juteuses pour les grands groupes mais adaptés aux territoires et pensés par et pour eux, et quelle soutien apportez-vous aux initiatives locales ? Aucune ici. Vous vous contentez d'inciter, par une aide supplémentaire, les industriels à développer des projets aux capitaux ouverts et participatifs.


Pas de carte blanche à l'industrie !


Quelques jours plus tard, dans le cadre du 11ème Colloque National Éolien qui se tenait à Paris les 13 et 14 octobre, vous vous adressiez aux professionnels du secteur.

Votre volonté est ici plus claire que jamais : renforcer l'éolien industriel en France partout où cela est possible, les Préfets étant en avant poste.

Qu'accorde-t-on aux habitants et à leurs représentants en mairie et collectivités territoriales ? Tout juste un avis consultatif. Rien n'est fait pour que la société civile puisse dialoguer avec l'industrie, d'égale à égale. Bien au contraire. Écoutons plutôt :



Comme vous le répétiez lors de votre Conférence de presse du 26 octobre sur le rapport de RTE « Futurs énergétiques 2050 », l'objectif est d'"atteindre entre 43 GW et 72 GW d’éolien terrestre en 2050 (contre 18 GW aujourd’hui), soit entre 2,5 et 4 fois la capacité actuellement installée, ce qui fera atteindre à cet horizon le niveau d’équipement actuel de l’Allemagne."

L'Allemagne serait-elle un exemple à suivre ?

Certes, le mix-énergétique doit prendre en compte toutes les options technologiques. Mais jamais il n'est question ici d'aborder le problème du point de vue local, d'aider les collectivités, au niveau local là encore, à penser et à mettre en œuvre des alternatives que les acteurs des territoires connaissent pourtant mieux que personne. Non, tout se décide en haut, et pour les industriels.

Il est temps que les choses changent !

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